La classe de 4ème B s'apprête à débuter l'étude du classique de Corneille, Le Cid. La professeure de française se lance dans une mission pour le moins délicate, car aucun élève ne semble savoir de quoi il en retourne. "Le Cid, ça a un rapport avec le sida", "J'ai toujours confondu Molière avec les dents du fond", "ça va parler de l'âge de Glace, comme le gars, Sid". Des dialogues qui ne manqueront pas d'interpeller et pourtant ce sont ceux des propres élèves de la banlieue parisienne que Véropée nous proposent dans ses pages. La bande dessinée est drôle, mordante mais elle montre également des lacunes littéraires évidentes chez les collégiens qui n'ont plus toujours le goût de la lecture et de la découverte. Les débuts sont ainsi très difficiles mais la professeure ne lâche rien et fait preuve d'une patience à toute épreuve. Au fil des lectures, elle réussit à faire entrer ses élèves dans la tragédie. A tel point que le jeune Lou s'exclame "quel outrage infâme, on m'a pris mon 4 couleurs !" Et que dire du dénouement, une réécriture terriblement moderne du Cid. Là aussi ça sent le vécu.

Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers, que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? Le Cid est l'une plus célèbres pièces de Pierre Cornielle datant de 1637. L'auteur s'est inspiré d'une comédie espagnole, Las Macedades del Cid (les enfances du Cid) de Guillen de Castro. Un texte qui fut novateur à l'époque mais qui déclencha également de vives critiques dans la société. Et pourtant, le cas de conscience de Rodrigue, partagé entre son amour pour Chimène et sa volonté de venger Don Diègue, son père offensé, est à l'origine du célèbre dilemme Cornélien. Dans cet ouvrage, Véropée développe son intrigue grâce à la focalisation interne. La professeure n'est jamais présente visuellement mais sous forme de voix off, comme dans un reportage. L'attention est portée sur les élèves qui multiplient les contresens mais qui ont également parfois quelques fulgurances. On ne sera pas étonné que le dessin est fait le choix de la caricature. La colorisation pastelle devient grisâtre lors des passages du Cid, comme pour mieux signaler le temps qui passe.