Autrefois, la vie de Julie (Laure Calamy) devait être vraiment belle. Mais aujourd'hui, il n'en est plus rien. Son mariage a échoué, elle a un travail ingrat de femme de chambre dans un hôtel de luxe et peine à se maintenir à flot avec ses deux enfants, qu'elle élève seule depuis sa séparation. En fait, elle aimerait retourner à son ancien environnement professionnel, le marketing. Mais les offres se font rares pour cette femme d'une quarantaine d'années. Et la recherche d'un nouveau travail devient déjà un obstacle de taille : l'emploi du temps de Julie, entre son travail et ses obligations de mère, engloutit toutes ses capacités temporelles. Elle n'a donc pas du tout besoin des différentes grèves dans les transports, qui transforment chaque trajet jusqu'à l'hôtel en une odyssée ...

Le thème de l'égalité entre hommes et femmes ne signifie pas seulement que les deux doivent avoir les mêmes droits et recevoir le même salaire pour le même travail. Cela signifie également que les femmes doivent avoir accès au marché du travail. Car même si l'image des deux sexes a quelque peu évolué au cours des dernières décennies, c'est toujours aux femmes qu'il incombe le plus souvent de s'occuper des enfants. Cela devient surtout un problème lorsque la femme est seule et que l'homme ne peut ou ne veut rien apporter. A Plein Temps aborde ce thème en nous donnant un aperçu de la vie de Julie, qui se confronte quotidiennement à cette tâche difficile. Qui est chaque jour sur le point de tomber dans un gouffre profond en essayant d'être partout à la fois. Le scénario n'est bien sûr pas nouveau ou inhabituel. Le film décrit plutôt une situation que le monde entier ne connaît que trop bien. Ce qui est inhabituel, c'est la manière dont Eric Gravel le met en œuvre. Au lieu d'en faire un drame social traditionnel, comme le sujet l'aurait sans doute imposé, le réalisateur et scénariste canadien mise sur le rythme pour son deuxième long métrage. A Plein Temps n'accorde aucun répit notable ni à la protagoniste ni au public. Les rares moments où cela semble être le cas sont aussitôt torpillés par d'autres. D'une manière générale, le film montre que les planifications sont plus ou moins inutiles. Chaque jour dans la vie de cette mère célibataire est fait de micro-improvisations, lorsque quelque chose ne va pas, que ce soit au travail, sur le chemin ou dans la vie privée.

La tentative de résoudre ces difficultés à la fois régulières et imprévisibles s'accompagne de beaucoup de pression. Julie n'a guère l'occasion de s'arrêter, c'est pourquoi elle est toujours en train de faire quelque chose. Parfois même en train de courir, littéralement, car le travail ne l'attend pas. A Plein Temps rappelle un peu Good Time à cet égard. Tout comme Robert Pattinson qui courait alors dans la nuit, Laure Calamy est elle aussi constamment en mouvement. Sauf que chez son personnage, ce ne sont pas les criminels qui la poussent à se dépêcher, mais la vie elle-même. Si elle arrive en retard, elle ne doit pas directement craindre pour sa vie. Et pourtant, l'urgence n'est pas vraiment beaucoup moins grande quand tout semble toujours se jouer. Personne ne peut prédire ce qui se passera si la nounou n'est plus là ou si le travail s'arrête. De cette manière, il ne reste pas vraiment de temps pour une véritable réflexion sur le sujet. Le drame, dont la première a eu lieu lors de la section Orrizonti à Venise en 2021, est plus préoccupé par la tension et une expérience directe que par une occupation rationnelle. Le résultat est un peu fatigant, mais terriblement efficace. C'est surtout la performance agitée de Laure Calamy (Mon amant, l'âne & moi) qui contribue à ce qu'après A Plein Temps, il faille un certain temps pour se ressaisir, reprendre son souffle et assimiler ce qui s'est passé pendant une heure et demie. Gravel n'a pas de solution à proposer, il manque également un discours au sein du film sur ce qui peut être fait en dehors des actions kamikazes de Julie. Mais la pression de la lutte quotidienne pour la survie n'a que rarement été montrée de manière aussi claire qu'ici.