Editeur : Développeur : Genre : film Multijoueur : Non Jouable via Internet : Non Test par Nic0078/10 Réalisé par Michele Placido. Dieu crée des univers infinis, des mondes infinis, des soleils infinis... se répète le Giordano Bruno de Gianfranco Gallo dans la séquence vertigineuse où le Caravage le reconnaît dans sa cellule, qui est le noyau (la rencontre devait être un texte théâtral, comme l'a raconté le metteur en scène) autour duquel s'est construit le projet de ce film. Et le cinéma de Placido semble contenir des mondes infinis, dans une œuvre extrêmement ouverte qui dialogue avec mille suggestions différentes, de l'évocation onirique dans le sillage du regretté Martone aux obsessions de son parcours de réalisateur - le corps, avant tout : celui du protagoniste Riccardo Scamarcio est meurtri dès la première séquence, une épée lui transperçant la joue, et tout de suite après le peintre se rend compte que c'est précisément ce visage balafré qui doit devenir le visage de son Goliath. La vision naît des cicatrices, des blessures, des marques des coups de fouet sur le dos des prostituées emmenées pour être soignées au lazaret du dernier, à Santa Maria in Valicella à Rome : et l'on pense à l'insistance retentissante sur l'automutilation de Vallanzasca en prison dans le film avec Rossi Stuart. Jusqu'à la séquence abyssale où le peintre construit un de ses tableaux autour du cadavre de la courtisane Annuccia récupéré dans le Tibre, où la femme s'est donné la mort, et de la nuée de marginaux qui se pressent autour d'elle (c'est la fameuse Mort de la Vierge). Ici, le Caravage délirant de Placido est clairement un autre de ses grands personnages maudits, destinés à choquer le monde (ou les mondes) par leur charisme écrasant, leur agitation destructrice, leur amour immense. Mais ce n'est qu'un des infinis soleils qui soutiennent le film, qui met en place cette structure wellesienne basée sur les confessions et les réminiscences des personnages autour de la fuite du Caravage, interrogé par cette sorte d'inquisiteur sans nom ("mes hommes m'appellent l'Ombre") joué par Louis Garrel, chargé par le Pape d'enquêter sur l'opportunité de gracier le peintre, coupable d'un meurtre. Et puis il y a la dimension éclatée de la reconstitution historique, qui, comme les corps du film, est elle aussi continuellement déchirée par des jeux d'objectif, des plans " cassés " et flous (Michele D'Attanasio est presque ophulsien dans la zone de Lola Montes), des scènes de masse et des vues de paysages et de monuments (entre Rome et Naples) qui tentent de rendre compte picturalement du temps (ou des temps infinis...) de l'histoire. Car, plus que tout, 'Caravage' prend vie autour des tableaux de Merisi, cherchant un lien instinctif entre la force bouleversante de ces toiles et le style impétueux et charnel, pour reprendre un adjectif central du film, du réalisateur Placido : la recherche et la restitution des inspirations et des modèles qui sous-tendent les œuvres du peintre deviennent le point d'appui autour duquel la réalité historique (avec les cardinaux, les marquis, les personnages existants et inventés) se transforme en une suspension onirique et fiévreuse, dans laquelle nous trouvons certaines des solutions les plus heureuses de toute la production du réalisateur, que nous n'avons pas trouvé aussi inspiré depuis quelques années. Amor vincit omnia : Il est clair que pour Michele Placido, le film est aussi une revendication d'auteur, qu'il est, comme le protagoniste, un artiste mal aimé des salons, hors du cercle des académiciens, souvent considéré comme un personnage beaucoup trop excessif - et de ce point de vue, son cinéma lui ressemble encore une fois, mélangeant tous les univers chers à son Giordano Bruno (comme le rappeur Tedua dans la même distribution qu'Isabelle Huppert...), pour passer audacieusement de l'Art à l'Histoire. ), pour passer hardiment d'Artemisia Gentileschi à la citation folle et adorée ("Je ne vous défie pas ! Je ne te vois pas !") de Carmelo Bene contre tous, mise dans la bouche du Caravage. VERDICT-L'ombre du Caravage n'est pas seulement celle qui domine ses peintures extraordinaires, mais aussi l'émissaire sombre du Vatican qui enquête sur sa conduite de vie. Michele Placido revient à la réalisation après six ans avec un biopic sui generis, une étude sur l'indissolubilité entre la vie et l'art, et entre le "vrai" et le "représenté". Imparfait mais fascinant, le film met en scène un excellent Riccardo Scamarcio. |