Dans la collection des relectures des Mythes de Dargaud voici Sisyphe toujours par le duo Le Tendre - Peynet. Sisyphe est un personnage mythologique qui est puni par les dieux pour avoir poussé un rocher sur une colline, pour ensuite le voir retomber, encore et encore pour toute l’éternité. Comme le souligne Albert Camus, la punition de Sisyphe n’est qu’une torture parce qu’il est conscient de la futilité de son travail. De même, les gens ne sont tourmentés par la nature de l’existence que lorsqu’ils prennent conscience de l’absurde. Mais il existe un moyen de contourner cela, sans suicide ni acte de foi illogique. En regardant l’absurde en face, en ayant pleinement conscience de votre destin et en choisissant de vivre malgré tout avec la friction entre votre soif de sens et votre reconnaissance de la futilité du monde, vous pouvez choisir d’être heureux malgré tout – de faire face à l’absurdité et de dire simplement « allez vous faire voir, je serai heureux de toute façon », si vous voulez.

Le roman graphique aborde différents thèmes et les associe à des approches d'interprétation modernes dans une histoire passionnante et magnifiquement dessinée. Même les petits détails qui revenaient sans cesse au cours de l'intrigue étaient très bien intégrés et liés au thème général. Déjà pour les graphismes, rien à redire. Peynet s'occupant également des couleurs on y retrouve un magnifique contraste entre le monde coloré d'Ephyra et l'enfer des Tartares. Tous les personnages et les villes sont rendus splendidement. Selon Albert Camus, l'absurde est la confrontation entre la quête de sens de l'humanité et un univers qui n'en offre aucun. Lorsque l'on s'éloigne du pilotage automatique de l'existence quotidienne et que l'on prend conscience de l'absurde, il n'y a plus de retour en arrière et il devient nécessaire de reconnaître l'absurde dans la façon dont on vit sa vie. La vie ultime est celle qui se déroule en ayant l’absurde à l’esprit. Devenir « conscient » signifie savoir et reconnaître la futilité de son existence, mais continuer à vivre malgré tout. Il faut trouver un équilibre, en prenant soin de ne jamais sacrifier son intégrité à de faux espoirs ou d’abandonner. Paradoxalement, le bonheur se trouve dans la pleine reconnaissance de la tragédie et de la futilité de l’existence humaine. Nous avons ici un Sisyphe plutôt futé et fourbe qui cherche à sauver la vie de son fils, maudit par sa faute. La bande dessinée nous explique comment il a atterri au Tartare, en suivant un scénario librement adapté de l'histoire que l'on connait.