Après s'être endormie dans le bus, Luisa, 15 ans, débarque à Paris totalement confuse. L'adolescente cherche à acheter une télécarte (!) pour appeler ses parents, et paye le buraliste avec un billet de 50 francs. Rapidement, on comprend que Luisa n'est pas dans la bonne époque et qu'elle a fait un mystérieux bond dans le temps, dont on ignore l'origine. Fort heureusement, elle se souvient que sa tante occupait un appartement loin de là. C'est là que vie désormais Luisa, 30 ans, photographe culinaire célibataire qui lui referme sa porte au nez. Son seul réconfort viendra de Sasha, la voisine de palier. Et c'est là que le récit nous embarque dans un terrain inconnu : Luisa et Luisa sont la même personne, mais à 15 ans d'intervalle. L'adolescente ambitionnait d'être une grande photographe, son "moi" adulte" n'aura pas réussi à atteindre ses rêves. L'adulte semble assumer (un peu) d'avoir des sentiments pour sa voisine Sasha, l'ado n'a pas quitté son placard malgré avoir échangé un baiser avec Lucie, sa copine lesbienne.

La confrontation entre son "moi" ado et son "moi" adulte est traité avec subtilité, malgré des dialogues piquants. Une auto-psychanalyse qui va pousser les deux personnages à reprendre leurs vies en main, quitte à provoquer quelques paradoxes. Si Luisa 1 change son futur, est-ce que Luisa 2 existera ? L'auteur n'aborde pas vraiment la temporalité des événements, la Luisa du passé étant avant tout une sorte de spectre venu remettre la Luisa d'aujourd'hui sur de bons rails, et lui rappeler ses rêves inachevés de jeunesse. En cas de contact physique entre les deux femmes, les deux Luisa se mélangeront, certainement une allégorie de l'acceptation de soi et de l'émergence de sa véritable personnalité. Ce roman graphique de 270 pages affiche un trait fort enjoué et de jolies couleurs pleine de vie.