Leonard Shelby a l'apparence d'un homme d'affaires prospère, mais il vit dans des hôtels anonymes bon marché et sa seule occupation est la vengeance : contre le violeur et meurtrier de sa femme. Sa quête de justice est compliquée par une forme rare et incurable de perte de mémoire : bien qu'il se souvienne de la vie avant son "accident", il ne sait plus ce qui s'est passé (à chaque fois) il y a 15 minutes, où il se trouve, où il va et pourquoi. Il essaie de garder une trace du déroulement de sa vie avec des fiches, des tatouages et des polaroïds. Mais Shelby est toujours tributaire de l'aide d'étrangers, même s'il est incapable de percer à jour leurs motivations. Quel intérêt ont donc le policier Teddy et l'opaque Nathalie à l'aider à élucider le meurtre ?

"Memento" est une énigme cinématographique originale. Le personnage principal perd la mémoire à court terme. La narration inversée s'y prête bien : de l'arrière vers l'avant. Cela crée du suspense, car on n'est jamais aussi loin dans la connaissance que le héros dans ses recherches. Mais cela entraîne aussi de la confusion, car des intrigues ou des personnages nouveaux ou coupés de manière inattendue croisent son chemin. Cette situation complexe exige de la réflexion, pas de la détente. Mais "Memento" n'est pas non plus un film d'art, c'est avant tout un "Murder-Mystery" - un jeu de puzzle qui exige un tel effort intellectuel que l'on veut revoir le film immédiatement après la première vision. Il n'est donc pas étonnant que "Memento" ait connu un tel succès au box-office américain. La quête d'un homme à la recherche de la réalité, mise en scène par Christopher Nolan, manque de la dramaturgie familière du thriller, car il n'y a pas de fil conducteur. Au lieu de cela, nous sommes aussi confus que le héros en quête de vengeance. Les certitudes sont rares : celui qui semble d'abord digne de confiance se révèle être un imposteur dans le flash-back suivant. Ainsi, dans "Memento", on ne se demande jamais ce qui va se passer, mais seulement comment on en est arrivé là. Ce qui, si l'on s'y laisse prendre, est extrêmement passionnant.