Scénario : Wilfried Lupano
Dessin : Paul Cauuet
Paris. Les trois anciens ont tous des préoccupations personnelles. Pierrot et ses amis de l'archipel anarchiste autonome font campagne contre la politique d'asile du gouvernement. Rassemblé par la police, il rencontre un agent qu'il a déjà aidé. Antoine est contraint par sa petite-fille Sophie de garder la petite Juliette avec son fils afin qu'ils se réconcilient. Et Mimile attend avec impatience le grand match de rugby France-Australie et peut-être encore plus la danse traditionnelle de Nauru qui précédera le match. Si Pierrot lui montre des images du camp de secours qui a transformé l'île paradisiaque en un enfer pour les demandeurs d'asile, Mimile devra faire avec sa conscience.
Le scénariste Wilfrid Lupano a accumulé tellement de crédit ces dernières années que ce nouveau tome des Vieux Fourneaux était très attendu. Qui aurait pensé qu'après les quatre premiers albums, dans lesquels chaque personnage principal (dans l'ordre Antoine, Pierrot, Mimile et Sophie) occupait l'affiche, ce cinquième opus se concentrerait sur un problème mondial et le poserait de manière inimitable ? L'énergie et l'engagement avec lesquels les personnes âgées posent les problèmes sont contagieux. La riche Fanfan, derrière la photo dorée sur sa façade suggérant la présence d’une société d’investissement, abrite un véritable refuge. Le collectif qui, avec son méfait - un bateau pneumatique jouant le rôle de réfugié à la porte de l’ambassade de Suisse -, utilise avant tout ses économies pour payer des amendes plutôt que pour remplir les poches des actionnaires. Quant à Mimile, finalement réveillé, il va étouffer le Stade de France. Dans le chaos anarchique modéré qui semble également résider dans le scénario lui-même, il existe certainement une structure bien pensée. Lupano sait parfaitement où il veut aller et raconte une histoire bien arrêtée sur des personnes qui existent ou devraient exister, avec un passé, de petites choses et une culpabilité inévitable. À première vue, l'artiste Paul Cauuet a un style simple mais il sait comment rapprocher ses personnages de telle sorte que Robin des Bois soit jaloux. Que Régis Loisel ait joué un rôle important dans son développement n’est pas étonnant. Son sens du mouvement, des anciennes locomotives tremblantes à la Juliette agitée avec enthousiasme, est phénoménal. Mais ce sont surtout les expressions faciales divines d'Antoine et de son fils l'étonné Pierrot qui voit l'action de Mimile dans le stade, ou encore l'émotion des beaux-parents de Sophie qui rend les personnages attachants, accessibles et réels.
VERDICT
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De la couverture minimaliste mais saisissante, en passant par les personnages attrayants, à la lourde dose de critiques sociales et aux dialogues vifs, ce tome cinq des Vieux Fourneaux est une réussite. Avec tout son humour et son émotion, il met mal à l'aise l'égoïsme enraciné dans chacun et donne un coup de pied dans sa conscience. Le dessin en noir et blanc avec les personnages dansants et les paroles passionnantes, avec lesquelles Cauuet ferme l'album, est également à accrocher dans chaque administration.