Kéva, petit royaume perché dans les montagnes, est réputé pour son peuple pacifique, naturellement tourné vers l'étude et le maintien des équilibres naturels. Aussi, lorsque ce pays est attaqué par un empire expansionniste, les Kévarks, malgré une résistance farouche, sont-ils annihilés brutalement. Mais un prêtre a survécu, dernier représentant de sa culture. Il se dirige vers le Lac Miroir, centre spirituel de sa contrée aujourd'hui asservie, afin d'assouvir, seul, la vengeance de son peuple ! Une ode à la dark fantasy...

L'ampleur des premières cases de ce « Rite », disponible chez Casterman, amène rapidement une promesse visuelle particulièrement grandiose. Il y a quelque chose de particulièrement fascinant dans ces pages initiales et ces décors naturels qui écrasent presque le personnage en son sein. C'est d'ailleurs ce rapport entre ce protagoniste et ce milieu autre qui va nourrir une narration resserrée mais particulièrement grandiose dans cette histoire où la revanche se fait subtile mais néanmoins dévastatrice. Il se trouve un équilibre délicat particulièrement puissant dans ses thématiques tout en se maintenant dans un parti pris de décorum soutenant le fond du récit. L'opposition entre les camps présentés nourrit une certaine grandeur mythologique tout en résumant ses événements à un lieu quasi unique. C'est sans doute l'idée la plus passionnante du récit, invoquant ainsi toute l'histoire au cœur de cet univers avec une forme de lutte dialoguée continuelle. Le faux calme qui s'y installe ne fait que renforcer toute la tension instaurée par ce prêtre, dernière relique d'une culture quasi anéantie. Le résultat passionne dès lors tout au long de ses 104 pages richement illustrées avec un usage du noir et blanc particulièrement somptueux, et ce dans sa conclusion aux conséquences particulièrement gigantesques, sans trop en dévoiler sur le contenu. Cette fin ne fait que renforcer le sentiment positif que l'on peut avoir pour cette bande dessinée clairement riche. Voilà donc une belle proposition graphique et narrative que ce « Rite », trouvant dans le talent d'Amaury Bundgen une ambition des plus grandes.