Scénario : Justin Giampaoli et Brian Wood
Dessin : Andrea Mutti
Couleurs : Lee Loughridge
Rome West pose la question suivante: "Et si l'empire romain était venu dans le Nouveau Monde 1.000 ans avant Christophe Colomb ?" Nous sommes en 323, plusieurs navires romains sont pris dans une violente tempête et s'échouent sur la côte de l'actuelle Nouvelle-Angleterre. A partir de là, le livre se divise en plusieurs histoires à travers la nouvelle chronologie américaine. Nous voyons comment les Romains gèrent leur première rencontre avec les Amérindiens, comment ils font face à une invasion viking et ce qui se passe lorsque Christophe Colombe se présente enfin à leur porte. Alors que la plupart des chapitres impliquent des conflits physiques, la vérité est que notre République de Rome West évolue différemment de la société dans laquelle nous vivons actuellement. Il est intéressant de penser qu’un simple moment dans le temps pourrait complètement transformer la formation du Nouveau Monde. Plus important encore, la manière dont cette autre réalité est présentée lui donne de la plausibilité.
On apprécie vraiment l'attention portée aux détails dans la narration. Naturellement, un bateau rempli d'hommes aurait besoin de compagnie et les seules femmes autour sont des tribus autochtones. Cela joue un rôle important sur ce que deviennent les colons, dans lesquels un mélange d'influences romaines et indigènes façonne l'avenir des colons. Bien sûr, des éléments tels que l’architecture, les vêtements et les noms de lieux sont tous des aspects qui évoluent en soi, mais les conséquences de cette décision essentielle sont plus lourdes. Une histoire en particulier traite de l'extrapolation d'une lignée alors qu'une autre traite du racisme inhérent à cette même lignée. En fait, le racisme est un thème central qui traverse tout le livre et le cours de cette histoire fictive. Tant de choses sont différentes dans cette chronologie par rapport à la nôtre, mais le sectarisme semble être la seule constante.
Le seul reproche à formuler à ce comics provient principalement de la façon dont il a été publié à l'origine. Rome West a un parcours assez singulier, avant d'atterrir en volume relié chez Dark Horse, le comics a été longtemps une exclusivité Stela, un service numérique d'abonnement aux comics. Le format est principalement composé de quatre panneaux par page, où tout ou partie peut être divisé en deux. Cela aurait facilité la lecture en format numérique, mais ne prête pas beaucoup de créativité dans sa présentation d'un livre physique. Cette disposition est également un peu déroutante lorsque les panneaux divisés s'alignent. Nous avons l'habitude de lire de gauche à droite, alors il faut un peu de temps pour s'y habituer. Heureusement, cela n'arrive pas très souvent et n'est qu'une distraction une poignée de fois. Les illustrations de Mutti compensent largement cet inconvénient, et chaque chapitre se voit attribuer son propre prologue, ce qui permet de suivre facilement les changements d’heure et de lieu. Autre particularité, Popov donne à chaque histoire sa propre palette de couleurs. Bien qu'elles ne soient pas radicalement différentes les unes des autres, elles permettent de séparer les histoires visuellement et soulignent qu'il ne s'agit pas d'une aventure continue.
Rome Ouest est une entreprise de grande envergure. Elle sacrifie l'utilisation d'un personnage central et se concentre plutôt sur un lieu central pour raconter l'histoire. Pour résumer l'histoire américaine dans une bande dessinée de 100 pages, une chose avec laquelle nous sommes tous très familiers serait assez difficile. Créer une version entièrement nouvelle et la garder attrayante, intéressante et compréhensible est très impressionnant. Wood et Giampaoli ont fait un pari avec Rome West, mais il est gagnant. On aurait aimé voir davantage de Concordia et comprendre comment leur religion aurait changé grâce à la fusion de deux civilisations très différentes. L'idée que les tribus autochtones auraient prospéré au fil du temps au lieu d'être systématiquement détruites est une histoire que l'on souhaite voir explorer. En fin de compte, même si Rome West demeurait un récit unitaire, c’est une histoire que l'on recommande vivement à quiconque.
VERDICT
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Rome West déploie une histoire unique qui ne ressemble à aucune autre. La construction du monde est incroyable, les diverses intrigues forment un tout beaucoup plus large, tandis que les illustrations s'avèrent d'une rare densité. Une belle surprise.