Réalisé par Alain Guiraudie.
La ville endormie de Clermont-Ferrand est secouée par un attentat terroriste dans la nouvelle comédie d'Alain Guiraudie. Oui, c'est une comédie. Bien que son thème ne semble pas trop drôle, la recherche du cinéaste français dans Viens je t'emmène est plutôt comique. Évidemment, son intention derrière les aventures étranges et déroutantes de ses protagonistes est avant tout de parler des préjugés et des contradictions avec lesquels les Français font face à ce type d'actes, mais son ton frôle l'absurde la plupart du temps, bien que pas toujours avec les résultats souhaités. Le protagoniste ici est un certain Médéric (Jean-Charles Clichet), un programmeur de logiciels qui se retrouve de manière inattendue impliqué dans ce qui semble être les conséquences de l'attentat. L'agression le surprend en plein acte sexuel dans un hôtel avec une prostituée de la région dont il est tombé amoureux. En fait, il prête très peu attention à l'actualité lorsqu'il regarde la télé mais tout bascule quand la nuit il croise un adolescent d'origine maghrébine à la porte de sa maison qui lui demande de l'argent. Le garçon, Selim (Iliès Kadri), finit par arriver, grâce à un voisin, à dormir dans le hall de l'immeuble pour se couvrir de la pluie. Médéric appelle d'abord la police mais ensuite il les blâme et finit par aider le garçon à rester là. Petit à petit, Selim s'implique de plus en plus dans sa vie, presque au point de vivre avec lui. Mais Médéric ne cesse de soupçonner que le jeune homme a pu être lié à l'attentat. Il voit des vidéos djihadistes dans ses mails et, en discutant avec ses voisins, tombe sur deux positions différentes sur la question : l'aider ou le dénoncer. Fait intéressant, le voisin qui veut se débarrasser de lui est musulman et celui qui n'a aucun problème avec le garçon est ce que l'on pourrait considérer comme un type plutôt xénophobe. Et autour de cette situation tendue (Selim commence à avoir des problèmes avec d'autres jeunes du quartier) et aussi assez absurde (un jour, Médéric le trouve endormi dans son lit) se déroule cette drôle de comédie.
Mais ce n'est qu'une partie de l'histoire. En parallèle, Médéric est toujours obsédé par Isadora, la prostituée en question incarnée par la réalisatrice Noémie Lvovsky. Et cela l'amène à entrer en conflit avec le mari de la dame, qui accepte qu'elle se prostitue pour de l'argent mais cela le contrarie de découvrir qu'elle apprécie particulièrement ses séances avec un client ou se lie avec lui. Non seulement cela, ce Médéric – qui, avouons-le, n'est pas un mec très attirant ou intéressant – est également « harcelé » sexuellement par une collègue. On voit que, malgré son apparence indescriptible, l'homme a des talents secrets.À un moment donné, les deux histoires se croiseront – il y en a d'autres aussi, liées au propriétaire de l'hôtel et à la fille qui y fréquente – d'une manière qui tente d'ajouter de l'humour à la proposition, mais cela ne réussira pas toujours. Guiraudie est plus efficace lorsqu'il traite des contradictions humaines des protagonistes et moins lorsqu'il mise sur un humour un peu plus grossier et plus direct.
VERDICT
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Dans cette curieuse comédie, un homme doit faire face au soupçon que le garçon qu'il a accueilli chez lui pourrait être un terroriste qui vient de commettre un attentat. Le réalisateur de "L'inconnu du lac" monte un film sur les préjugés et les apparences, essayant de montrer comment, de différentes manières, nous assumons des choses qui ne sont peut-être pas réelles et les tenons pour acquises. Médéric ne peut pas être un sex-symbol car il n'en a pas l'air et Selim peut être un terroriste car son regard le "condamne" alors que la réalité est peut-être tout autre.