Réalisé par Nicolas Philibert.
Dans une édition marquée par les surprises, l'éclectisme de la programmation et un jury remarquablement mesuré, la victoire de Nicolas Philibert à l'Ours d'or pour son dernier documentaire pourrait bien s'avérer la plus inattendue. Sur L'Adamant marque seulement la deuxième fois qu'un film documentaire obtient ce niveau de reconnaissance à la Berlinale, le premier étant le vivifiant Fire at Sea de Gianfranco Rosi en 2016. Les deux films partagent d'ailleurs une métaphore aquatique, littéralisée dans les toiles de ce dernier sur la compassion et l'indifférence humaines face à la crise des migrants en Europe et personnifiée ici dans la barge flottante, d'où le film de Philibert tire son titre, amarrée aux rives de la Seine. Pourtant, le but du septuagénaire n'est pas tant de militer, d'appeler à une action morale soutenue, mais plutôt d'entreprendre la tâche souvent ingrate d'observer la vie extérieure, parfois intérieure, des habitants de la péniche pendant la journée - car l'Adamant est un établissement thérapeutique, et ses visiteurs sont des personnes souffrant de troubles mentaux. Les réflexes documentaires de Philibert, affinés pendant près de cinq décennies, vont à l'encontre de la tendance habituelle à la narrativisation, et ses sujets se situent généralement dans des horizons communautaires plutôt qu'individuels. "Etre et Avoir", sorti en 2002, était jusqu'à présent l'œuvre la plus acclamée et la plus connue du cinéaste, se déroulant sur une année dans une classe d'école primaire municipale. Avec Sur L'Adamant, Philibert aborde, de manière tout aussi observatrice, la délicate question de la représentation de la maladie mentale à l'écran, intervenant rarement dans la description franche de la réalité par la caméra et fournissant rarement un contexte au-delà de l'environnement pittoresque et tranquille de l'Adamant. Ses sujets parlent d'eux-mêmes, sans s'encombrer de la peur et de l'anxiété liées à la tendance du documentaire à la catégorisation rigoureuse. Pendant plusieurs mois, la caméra de Philibert suit les événements banals qui se déroulent à bord de ce qui est essentiellement une garderie et une retraite pour malades mentaux : divers ateliers de cuisine, de chant et de danse, ainsi que des séances de ciné-club, des séances de couture et un bar à café tenu par les patients eux-mêmes, sont présentés avec la douce indifférence qui leur est due. La hiérarchie, en d'autres termes, n'a que peu d'importance au sein de cette petite communauté.
Ce portrait quasi utopique est toutefois tempéré par la prise de conscience imminente, bien qu'implicite, que de telles communautés sont aussi rares qu'elles le sont, et qu'elles ne seront peut-être pas toujours là pour rester. "Pour combien de temps encore ?" demande un carton de titre au dénouement du film. De nombreux patients de Sur L'Adamant trouvent du réconfort dans l'atmosphère de soutien qu'ils trouvent entre eux, mais leurs conditions personnelles ont, dans l'ensemble, entravé leur capacité à travailler, à interagir et à fonctionner en dehors de cet espace, à moins qu'ils ne soient soutenus par des doses lourdes et constantes de médicaments. L'une d'entre elles raconte, de manière tragique, le placement de son fils dans une famille d'accueil en raison de son incapacité à s'en occuper ; une autre évoque ses fréquents états d'euphorie et ses hallucinations : comme "Jésus entouré de petits oiseaux", dit-il en haussant les épaules. D'autres encore, dans le peu de temps qu'ils passent devant la caméra, révèlent leurs hobbies, leurs passions, leurs intérêts - l'un d'eux chante et joue du piano, mettant en valeur sa nouvelle composition, par exemple - et donc leur individualité. Sur l'Adamant ne pénètre pas toujours, et de fréquentes parties de sa durée nécessitent une certaine exposition, ne serait-ce que pour étayer l'organisation et le fonctionnement intégrés du centre au-delà des subjectivités de ses constituants. On aurait souhaité un traitement plus systématique des exigences contextuelles : la fondation de l'institution, son financement, la façon dont les patients sont sélectionnés et finalement soignés pour retrouver une bonne ou une décente santé. Philibert s'en tient cependant à son formalisme indifférent et flottant, ne serait-ce que pour rejeter le besoin d'expliquer ou d'élaborer et pour humaniser la lutte contre les troubles de l'esprit. C'est une perspective prometteuse dans l'ensemble, teintée du pathos et de la force poignante d'un sanctuaire qui, peut-être, ne sera pas toujours là et ne sera pas toujours ouvert à tous. Interrogé sur ses occupations, un patient répond "la poésie", puis ajoute rapidement "mais ce n'est pas un travail". Les exigences de la société dans son ensemble ne sont pas toujours bienveillantes à l'égard de ses membres, mais parfois les petits gestes de solidarité peuvent suffire.
VERDICT
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L'équipe d'Adamant démontre au quotidien comment, en temps de crise du système de santé, il est possible de répondre aux personnes atteintes de maladie mentale de manière bienveillante et ouverte. D'observations sensibles et de conversations avec les "passagers" émergent le portrait léger d'une institution dont l'existence donne de l'espoir.