Libres d'obéir
Plate-forme : Bande Dessinée
Date de sortie : 27 Août 2025
Résumé | Test Complet | Actualité
Editeur :
Développeur :
Genre :
Bande dessinée
Multijoueur :
Non
Jouable via Internet :
Non
Test par

Nic007


8/10

Scénario : Johann Chapoutot
Dessin : Philippe Girard

Reinhard Höhn était un ultranationaliste notoire dès ses années d'étudiant, plus radical que les nazis. Fort d'une brillante carrière au sein du noyau dur de la SS, il était membre d'un vaste groupe de juristes – et pas seulement –  qui étudiaient de près les questions d'administration du grand Reich. Parmi eux, Herbert Backe, Wilhelm Stuckart et Werner Best. Saputo, en suivant les textes, les œuvres et les journées de ce « théoricien du management » du Troisième Reich et d'autres, nous apprend bien des choses « inattendues » sur l'époque, mais aussi sur leur influence claire et distincte sur le management moderne.

Le scénario de Libres d’obéir a de quoi donner le vertige. Johann Chapoutot met en lumière une filiation inattendue : celle qui relie la pensée managériale moderne à des théories élaborées par Reinhard Höhn, juriste SS reconverti en gourou du management d’après-guerre. L’album navigue entre passé et présent, alternant l’exposé historique et la fiction contemporaine où Florence, cadre surmenée dans une entreprise high-tech, découvre que le vernis de liberté qui recouvre son quotidien professionnel cache en réalité un système d’aliénation parfaitement huilé.  L’effet est saisissant : on referme le livre avec la conviction que les discours actuels sur « l’autonomie » et la « flexibilité » portent en eux un héritage bien plus trouble qu’on ne l’imaginait. Graphiquement, Philippe Girard choisit la sobriété pour accompagner ce propos dense. Son trait net, presque clinique, sert de fil conducteur dans un récit riche en concepts. Les couleurs dominantes – rouge, noir, jaune – rappellent autant les codes visuels du nazisme que les alarmes clignotantes d’un monde du travail sous pression. Girard varie les mises en page, joue avec la typographie et glisse des schémas et cartes qui éclairent les démonstrations. C’est une lecture exigeante, mais rendue étonnamment fluide par cette mise en images didactique et percutante. De l'anti-étatisme national-socialiste à l'ordolibéralisme et à la nouvelle gestion publique, la continuité est bien plus évidente que les coupes budgétaires.

VERDICT

-

Au final, Libres d’obéir est bien plus qu’une bande dessinée documentaire : c’est une loupe sur notre quotidien professionnel, une invitation à questionner la « liberté » qu’on nous vend en entreprise. Une œuvre salutaire, qui secoue, instruit et, surtout, nous rappelle qu’être libre, parfois, c’est savoir désobéir.

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