Quand Denise Baudu arrive à Paris, avec peu d’argent en poche, elle ne trouve pas l’accueil escompté chez l’oncle qui jadis, l’avait assurée de sa protection. Baudu, propriétaire du Vieil Elbeuf est plutôt chafouin: les affaires autrefois florissantes semblent sur le déclin et le coupable se situe sur le trottoir d’en face. Fière, orgueilleuse et insolente, la boutique Au Bonheur des dames cause le malheur de ce petit commerce trop sombre et moisi pour attirer la fine fleur de la clientèle parisienne. La rage et la rancœur au ventre, il sera le témoin aigri de l’émergence d’un commerce qui le dépasse et l’engloutira dans une lente agonie. Quelle ne sera pas sa colère, quand sa nièce, entrera au service de ce patron dont le nom affole le Tout-Paris. Octave Mouret, jeune veuf et heureux héritier de la fortune de madame Hédouin, a fait de sa petite boutique une machine puissante. Entrer Au Bonheur des dames, c’est se laisser ensorceler par le charme enivrant des lieux, c’est se sentir saisi d’une fièvre acheteuse, c’est céder à la tentation de caresser les étoffes et les tissus qui deviendront manteaux ou robes pour femmes du monde, c’est se prendre au jeu d’une séduction qui vous grise comme le plus fabuleux des alcools. C’est acheter, pour exister.

L'auteure Agnès Maupré adapte avec brio et modernisme cette histoire d'Emile Zola. Le lecteur philosophe à loisir sur cet ouvrage, cela reste un classique à découvrir ou redécouvrir, avec un rythme percutant. "Au Bonheur des Dames", c'est un abrégé du bouillonnement parisien, l'empreinte indélébile d'une époque, le témoignage d'une modernité grandissante, la mémoire d'un Paris en pleine mutation. Pour écrire ce roman extraordinaire, Zola s'inspire d'un fait d'actualité : l'implantation des grands magasins dans le décor parisien. Avec ferveur, il s'attache à démontrer l'ampleur de cette révolution commerciale, élan irrésistible auquel succombe indéniablement le tout Paris. En effet, comment résister face à ces boutiques de nouveautés dont la richesse des étalages ne cesse de s'accroître et les prix de s'adoucir ? Face à ce culte de la tentation, les bourgeoises ivres de bonheur et en quête de la bonne affaire, se préparent à passer la journée dans ce dédale des plaisirs où le temps et l'argent semblent s'envoler comme par enchantement. Cette machine, cette ruche bourdonnante, est une bénédiction pour les femmes mais un véritable fardeau pour les petits commerçants. Victimes d'une concurrence redoutable, les anciennes boutiques ne parviennent pas à rivaliser avec l'expansion nouvelle et assurément moderne du Bonheur des dames. Cette triste facette nous est présentée à travers le regard de Denise, jeune vendeuse qui connaît une ascension sociale florissante mais qui fait preuve aussi d'empathie à l'égard des commerçants écrasés par cette lutte du progrès. Grâce à ce récit, nous accédons aux coulisses de ce grand bazar, nous découvrons les conditions de travail des vendeur.se.s et les dures rivalités du métier. Nous observons les rouages de ce grand magasin, mais également les stratégies commerciales dont les méthodes sont toujours employées aujourd'hui : publicité et réclame, soldes, produits d'appel. À plusieurs reprises, le directeur Octave Mouret se révèle être un commerçant hors paire et doté d'un sens élevé des affaires. Sa stratégie ? La même qu'aujourd'hui ! Créer un besoin qui n'existe pas auprès de sa clientèle. Le dessin est à l'image de l'intrigue, avec un train plein d'élégance, et une composition des couleurs charmantes.