À travers le regard de Vika, une habitante de Kyiv confrontée aux bombardements, la bande dessinée retrace l'histoire complexe et douloureuse des relations entre l'Ukraine et la Russie, depuis le Moyen Âge jusqu'à nos jours. Alternant entre le quotidien poignant de la guerre actuelle et des flashbacks historiques, l'ouvrage met en lumière les racines profondes du conflit, la négation de l'identité ukrainienne par la Russie, et la longue lutte de l'Ukraine pour son indépendance.

Mariam Naiem, essayiste et intellectuelle ukrainienne, excelle dans sa capacité à rendre intelligible une histoire complexe et souvent méconnue du grand public. Le récit navigue avec fluidité entre le présent de la guerre et les événements historiques clés, sans jamais perdre le lecteur. La force de cette BD réside dans sa contextualisation historique. Naiem ne se contente pas de relater la guerre actuelle, mais explore les siècles de domination russe, les tentatives d'assimilation, l'Holodomor, et les multiples occasions manquées d'une coexistence pacifique. Cette perspective est cruciale pour comprendre la profondeur de la crise actuelle et la détermination ukrainienne. En ancrant le récit dans le quotidien de Vika et des autres civils réfugiés, Naiem donne un visage humain à la tragédie. Les discussions dans les abris anti-bombes permettent d'intégrer naturellement les éléments historiques, les peurs et les espoirs de la population. Bien que le propos soit clairement en faveur de la souveraineté ukrainienne, le scénario ne tombe pas dans une simplification excessive. Il expose les dynamiques de pouvoir et les motivations historiques de la Russie, tout en soulignant la résilience et l'identité propre de l'Ukraine. L'alternance entre le récit contemporain et les retours en arrière est bien gérée, créant un rythme dynamique qui maintient l'intérêt du lecteur. La structure permet de tisser des liens clairs entre le passé et le présent. Le style graphique de Yulia Vus, avec les couleurs contrastées d'orange et de noir d'Ivan Kypibida, contribue fortement à l'atmosphère sombre et tendue de l'ouvrage. Cette bichromie crée un impact visuel fort et renforce le sentiment d'urgence et de danger. Les visages des personnages sont souvent marqués par la peur, l'inquiétude et la fatigue, transmettant de manière poignante les émotions liées à la guerre.