Pour l'équipage de la frégate spatiale Jupiter, la Terre retrouvée, qui était autrefois la patrie de l'humanité, représente au moins une nouvelle chance. C'est aussi le cas pour Mandor, l'androïde, désormais séparé de sa campagne Yss. Mais qu'est devenue la "bonne vieille Terre" ? En fait, on devrait se trouver en Floride. Mais ni la faune ni la flore ne correspondent à la situation géographique supposée. Et aucune trace de ville ou d'agglomération. Après s'être installé à peu près en sécurité sous la frégate flottante, les ennuis n'ont pas tardé à manquer. La situation a beaucoup changé sur la planète bleue, les survivants font face à des Intégraux religieux, alors que des "Anges" vivent dans le ciel et se contentent d'observer sans prendre partie pour un coup ou l'autre camp. Pire, des altérations temporelles se produisent de plus en plus, c'est comme si plusieurs époques coexistaient au même moment. A bord du Jupiter, le temps ne s'écoule même pas à la même vitesse que sur la planète. Quand Mandor finit enfin à s'échapper des Intégraux, vingt ans ont passé. Il finit par retrouver Yss, désormais mère de famille et marié à un intégriste. Le vieux Pip nous raconte la fin de l'histoire de Mandor et rien ne semble être ce qu'il semblait être. Passé et futur finissent par se mêler, à tel point qu'il y a de quoi y perdre son latin ...

Les histoires d'exploration et de colonisation d'une nouvelle planète - même s'il s'agit de la Terre ( ?), abandonnée depuis des générations - ne sont pas nouvelles pour l'auteur Rodolphe et rappellent bien sûr diverses séries que ce routard a mises en scène avec Leo. Comme dans "Centaurus" (dessiné par Zoran Janjetov), divers mystères et événements étranges dominent l'action dans TERRE. Des rencontres directes ou des traces d'animaux mutants, voire de dinosaures, des constructions qui ont manifestement été faites par des humains dans un but inconnu (volontiers des anachronismes), des rencontres dangereuses et des alliés surprenants. Le voyage en solo involontaire de Mandor, qui veut retrouver son groupe ou son camp principal, se transforme naturellement en un trip de survie aggravé, y compris une conclusion surprenante qui pourrait éventuellement présenter la nouvelle vieille Terre sous un jour complètement différent. Peut-être. En dépit de ce schéma bien connu, l'histoire est captivante, notamment parce que les dangers et les mystères se succèdent et que les créateurs n'ont pas encore donné d'explications. Le dessinateur Christophe Dubois habille l'action de couleurs somptueuses (voir aussi la couverture) et de panneaux panoramiques grand format, pleins de détails minutieux et d'originalité. Son style de dessin réaliste et opulent rappelle une fois de plus, par son trait à la fois fin et précis, celui de collègues comme François Schuiten ou Jean-Claude Servais.