Scénario : Thomas Kotlarek
Dessin : Jef
Avec la collaboration de Michel Onfray
Lyon, de nos jours. Maître Franck Pirondélis, avocat renommé, se voit confier la défense du jeune Romain Vischère, en garde-à-vue pour terrorisme. Pendant les trente minutes que lui autorise la loi, il ne peut rien tirer du garçon. Perplexe, l'avocat se décide à entrer en contact avec le reste de la famille. Il rend donc visite à Jean-Tiburce et Manette Vischère, les grands parents de Romain. Ces derniers hébergeaient leur petit-fils encore récemment. Les grands-parents décrivent leur relation avec Romain puis rentrent dans le détail de leurs vies à la demande de l'avocat. Au fil des 5 tomes de la série, et en parallèle du procès, l'avocat va entendre chaque membre de la famille. Il va découvrir leurs secrets et remonter avec eux l'histoire récente de la France, de la Seconde Guerre mondiale à nos jours.
Les BD politiques sont un genre difficile. Trop souvent en effet elles récitent une vision de l’histoire ou des événements qui est partiale, puisqu’au service d’une lecture et donc d’un parti-pris. Bref, on y voit rarement de nuances ou d’ambiguïté. Aussi sont-elles souvent décevantes. Tel n’est pas le cas de cet album. En effet, tout part de deux auteurs de BD (Thomas Kotlarek et Jef) qui constatent une perte généralisée de sens et du détricotage de structures sociales. Écoutant Michel Onfray, ils le contactent et celui-ci répond favorablement à leur projet, qui est donc initié avant le début du mouvement des Gilets Jaunes. C’est d’ailleurs ce qui rend l’album si intéressant. Voici en effet le premier tome d’une pentalogie qui nous emmènera jusqu’à notre environnement. Mais si l’action se passe au présent, les quatre premiers tomes sont organisés en flash-back, d’où le nom de la série « Une histoire de France ». Le premier volume dont il est question s’organise autour de l’arrestation d’un vidéaste de 30 ans qui a filmé, par hasard et avec un drone, un attentat s’étant déroulé à Lyon. Comme il est anarchiste et que la vidéo a été diffusée sur les réseaux sociaux, on le soupçonne de complicité et il est arrêté, son nom étant soumis à la vindicte populaire. Le volume raconte les efforts de son avocat pour trouver des éléments le disculpant, en allant notamment voir ses grands-parents. Or, ceux-ci ont été des résistants pendant la Deuxième Guerre mondiale.
C’est ici que le livre est le plus convaincant. D’abord, parce que les personnages ne sont pas caricaturaux et que les fêlures, les hésitations, les paradoxes se font jour. On est donc loin de l’habituel tableau de la période où tout est en blanc et noir. Cela est vrai de l’époque, mais aussi des personnages du monde actuel, à l’image de l’avocat, habitué des codes parisiens contemporains, au-delà du germano-pratisme et du boboisme qui relativisent tout en assénant pourtant des hectolitres de moraline : peu à peu, on le sent évoluer. C’est enfin vrai de la résistance telle qu’elle est évoquée, une résistance lyonnaise qui n’est pas celle bien connue de Jean Moulin, mais de la galerie Folklore, autour de personnages comme René Leynaud, Jean Martin, Marcel Michaux et avec la présence d’un Albert Camus qu’on ne savait pas avoir été en ces lieux. Le dessin est intéressant, travaillé avec pourtant une volonté de ligne claire. Nous avons apprécié la composition des scènes. Le rendu des visages est assez déroutant mais convainc peu à peu, notamment dans le très bon travail de rendu des visages à 50 ans d’écart : reconnaître le visage de la fraiche jeune fille dans celui de la grand-mère ridée (idem pour le personnage masculin) constitue une prouesse de dessin rarement vue et ici très bien rendue.
VERDICT
-
Ce premier tome est une bonne surprise. Il affiche une nelle histoire, assez subtile, qui anime une vraie BD et non pas un pamphlet militant.