Avril 1942, Antoine de Saint-Exupéry est exilé à New York depuis sa démobilisation, pourtant il n'aspire qu'à une chose : Retourner en France lutter contre les Nazis. C'est à ce moment là que son éditeur canadien l'invite au Québec pour débuter une tournée promotionnelle. Mais le Canada est en guerre avec l'Allemagne et rapidement, toutes les ambassades françaises sont fermées, ce qui bloque de facto "Saint Ex" dans la Belle Province. C’est là où il entreprend de débuter le Petit Prince, lors d’un séjour relaté dans Le prince des oiseaux de haut vol de Philippe Girard.

Le combat fait rage de tous azimuts. Les pays conquis sont à la merci d’un dictateur dont la folie dépasse les limites terrestres. C’est en exil à New York que vient l’idée à l’aviateur et écrivain Antoine de Saint-Exupéry d’entreprendre une campagne de séduction au Québec pour tenter de convaincre le gouvernement canadien d’entrer dans la danse macabre. Flanqué de sa conjointe et de son éditeur, il sillonne les routes de la province afin de clamer haut et fort son amour pour la mère-patrie dont la capitulation lui donne froid dans le cœur. Son corps est un champ de bataille en proie à des crises qui le terrasse et le cloue au lit où son esprit s’élève en altitude, là où il se sent enfin libre. Heureusement que Consuelo est présente pour couvrir son front d’étoiles. À 42 ans, émoussé et en deuil, il cherche tant bien que mal à trouver du réconfort en s’étourdissant les sens pour que son âme en peine flotte parmi les nuages. Au gré de ses pérégrinations, il fait connaissance d’individus arrivant à décoincer le tiroir où sont enfouies les idées. Furtives, elles tourbillonnent, piquent du nez, passent en rase-mottes pour mieux disparaître à l’horizon. Le remous des déflagrations pas si lointaines parasite son processus créatif. Il a du mal à accepter cette dualité qui l’habite et qu’il perçoit pareil à une fatalité. Gauloise au bec et verre de gin à la main, il « joue avec ses crayons comme un enfant joue avec des cailloux […] pour se déculpabiliser d’avoir quitté la France. » Un chef mohawk a vu en lui cette faille dans laquelle il s’abîme. Il lui a conseillé de se laisser guider par l’oiseau qui vole le plus haut. Ainsi seulement arrivera-t-il à accepter son statut princier. Dans un style graphique à grand déploiement où les images évocatrices au charme suranné siéent à merveille au contexte historique, il est réconfortant d’apercevoir des fragments fugaces de ces personnages qui n’ont pas besoin de présentation. On en ressort avec la vive impression qu’on ne voit bien qu’avec les yeux du cœur.