Réalisé par Luàna Bajrami.
Dans cette petite région du Kosovo où l'endroit le plus excitant pour se retrouver est le cimetière voisin, les meilleures amies Qe (Flaka Latifi), Jeta (Urate Shabani) et Li (Era Balaj) passent un été à ne rien faire. Il n'y a pas grand-chose pour s'occuper à part fumer et regarder le monde passer... lentement. Le cimetière où elles traînent souvent est un rappel brutal de leur désir de ne pas passer toute leur vie dans ce triste endroit où les perspectives se résument à travailler au salon de coiffure local ou à faire le trottoir la nuit. La vie à la maison n'offre aucun répit non plus, preuve supplémentaire que ces filles ne peuvent compter que sur l'autre.
"La colline où rugissent les lionnes" est le premier film de Luàna Bajrami, actrice, scénariste et réalisatrice de 21 ans, qui a notamment joué un rôle secondaire dans "Portrait de la jeune fille en feu" de Céline Sciamma. Bajrami a suffisamment d'expérience pour ne pas trop encadrer ses actrices, laissant leur espièglerie transparaître. Cela se traduit par un lien entre les personnages centraux qui semble immédiatement vivant et durable. L'intrépide Qe et l'énigmatique Jeta ont l'intention d'être acceptés à l'université pour s'en sortir, tandis que Li met son cœur au premier plan dans une relation avec un garçon du coin. Leurs choix sont influencés par la réalité de la vie au Kosovo, où les femmes sont rarement choisies pour faire des études supérieures, faisant du mariage le principal moyen de sécurité. Cette réalité inacceptable oblige cette bande de lionnes à devenir des escrocs à la petite semaine, pour se venger de la société et obtenir la liberté qui leur a été refusée. Dans un revirement surprenant et bienvenu, Bajrami ne laisse pas cette série de crimes définir l'ensemble du film. Plutôt que de se concentrer sur les aspects criminels et la richesse obtenue illégalement, elle garde le cap en explorant l'autonomie qui en découle. Bien que ces moments de bonheur soient présentés de manière conventionnelle (fêtes, soirées au lac, etc.), ils ont plus de poids car nous savons qu'ils sont éphémères. Le fait de goûter à la belle vie change la nature de leur relation, introduisant une composante romantique qui semble naturelle, comme c'est le cas dans la majeure partie du film. Passant de l'observation à la caméra, Bajrami joue un petit rôle dans le rôle d'une jeune Française qui se lie d'amitié avec Qe, tandis que les deux autres regardent de travers l'étrangère qui se trouve parmi elles. Alors que Bajrami les admire de près et derrière l'objectif, nous ne pouvons nous empêcher de ressentir la même chose. Ce n'est pas un film où la loyauté est remise en question, et les aspects les plus sombres de leur vie (Jeta a un oncle violent) sont suggérés mais jamais soulignés. Le film aurait pu aller plus loin dans la vie intérieure de Qe, Jeta et Li, mais ce qu'ils nous montrent à l'extérieur est si puissant que nous avons l'impression de connaître pleinement ces personnages.
VERDICT
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La colline où rugissent les lionnes se termine sur une note plus ambiguë que ne le nécessite la narration directe de Bajrami, mais cela ne peut ternir la beauté d'un film qui chérit l'amitié féminine sous toutes ses formes.