Il s'agit bien sûr de la pollution que combattent les éco-activistes de la Gorgone bleue dans ce bel album de Dany et Yann. Spirou et Fantasio se lancent à la recherche d'une actrice enlevée par des activistes écologiques. Cette dernière est la compagne d'un milliardaire, personnage calqué sur Donald Trump, qui inonde la planète de ses fast food polluants et source de malnutrition. La Gorgone Bleue - le nom de la chef du mouvement - espère faire pression sur le milliardaire pour qu'il arrête ses activités. Mais comme son business est très lucratif, il n'est pas trop d'accord. Seccotine a infiltré l'organisation pour un rapport révélateur et soupçonne le Comte de Champignac d'être impliqué dans un mouvement de guérilla féminin vert (enfin, bleu), dirigé uniquement par de belles Amazones vêtues de combinaisons en latex bleu. Spirou et Fantasio se lancent dans une aventure écologique à bord d'un aéronef américain. Ils embarquent à bord d'un porte-avions américain, dans le "Vortex de déchets du Pacifique nord" (une véritable décharge de déchets plastiques au milieu de l'océan Pacifique Nord) et dans le QG des gorgonautes qui se trouvent en dessous. L'album est beaucoup plus digeste que la soupe de plastique, même si l'intrigue se déroule de manière un peu chaotique et que la chute - comme le souligne Spip lui-même - est quelque peu prévisible. Cela s'explique peut-être par le fait que les auteurs n'étaient pas d'accord sur l'histoire et qu'ils ont passé des années à travailler dessus.

Malgré ce retard, la Gorgone bleue est restée d'actualité. Non seulement en raison du thème écologique (la pollution plastique et la croisade contre la malbouffe en tant qu'expression du consumérisme - notre irrépressible besoin collectif de consommer) ou du méchant Trump ("heureusement" Trump n'a jamais disparu de la scène), mais aussi grâce aux réflexions entre les lignes sur les médias sociaux, l'éthique dans le journalisme, le militarisme impitoyable, le racisme, l'imbrication entre les grandes entreprises et les services publics... Ce récit d'aventure humoristique est plus complexe qu'il n'y paraît. Avec Yann, c'est donc un scénariste chevronné qui est aux commandes et qui, de surcroît, n'en est pas à son premier coup d'essai avec Spirou, après avoir travaillé avec Olivier Schwartz (Le Groom vert-de-gris, La Femme Léopard et Le Maître des Hosties Noires) et Fabrice Tarrin (Le Tombeau des Champignac) et même dans la série régulière avec Jean-David Morvan et Jose Luis Munuera (Aux Sources du Z). L'œuvre a déjà été vien couverte et cela se remarque dans le scénario complexe et son interprétation saisissante des personnages principaux. Pour Dany, peut-être encore plus expérimenté, hippie depuis les années 1960, Spirou est un début, mais cela ne se voit pas. On apprécie son dessin, qui n'a rien perdu de sa souplesse, faisant de ce "Spirou de" (l'avant-dernier de la série, semble-t-il) l'un des meilleurs de la série. Que les congénères noirs de l'album soient encore assez caricaturaux - tout aussi stéréotypés que les nombreuses jolies filles, que Dany maîtrise bien après tant de Colombe Tiredaille (et que dire de Seccotine en bikini !) - est le prix d'un style de dessin plus cartoonesque que réaliste. Mais nous le payons volontiers !