Dans certains romans graphiques, l'artiste se contente de dessiner le scénario qu'on lui donne, tandis que d'autres s'inspirent de ce qu'on leur donne et laissent les images prendre leur envol. Un simple coup d'œil sur Grafity's Wall permet de découvrir la richesse de Mumbai telle qu'elle est présentée par Anand Radhakrishnan, qui fait de la ville un cinquième personnage principal. C'est une ville culturellement et historiquement vibrante, débordante de couleurs et qui ne laisse aucun doute sur le fait que des gens vivent dans les quartiers encombrés, ni qu'il est très difficile de s'en échapper, ce qui est le problème de Suresh. Artiste au talent immense, il est suivi dans le premier chapitre depuis la pulvérisation de son art sur un mur inoccupé d'un quartier aisé jusqu'à ce que son père jette son carnet de croquis dans l'égout qui passe devant leur maison et le mette en garde contre les dégâts causés par les rêves. Il y a deux façons d'échapper à la misère, et comme dans tous les autres quartiers défavorisés du monde, les deux impliquent la drogue, soit en la vendant, soit en la consommant, et Jay, le compagnon de Suresh, a choisi la première option. C'est utile quand il s'agit de libérer Suresh de la police après sa peinture murale sous le nom de Grafity, mais cela entraîne ses propres problèmes, détaillés dans le deuxième chapitre, tandis que le troisième change à nouveau d'objectif.

Le titre astucieux de Ram V a une double signification et, pour être juste envers lui, ce n'est pas seulement Radhakrishnan qui mythifie Mumbai. Au milieu de l'ouvrage, on trouve une belle analogie dans laquelle un cuisinier d'un restaurant chinois compare le melting-pot culturel de la ville au chop suey qu'il prépare et qui atteint la perfection lorsque les saveurs se combinent si parfaitement que personne ne peut identifier exactement ce qu'il y a dedans. Il serait souhaitable que davantage de personnes adoptent la même attitude à l'égard des mélanges de leurs villes. Ce n'est pas la seule occasion où une belle observation vous fait reconsidérer l'ordinaire. Bien que Grafity/Suresh porte le titre, l'histoire porte sur Mumbai et ses possibilités, telles qu'elles sont vécues par quatre personnes au cours d'un été étouffant. On découvre peu à peu qu'ils ont tous des rêves qui sont progressivement écrasés, mais il s'avère qu'il existe finalement une autre méthode d'évasion. Les personnages de V sont si bien définis qu'un air de tension quant à leur destin plane sur Grafity's Wall dès le début, et s'intensifie considérablement dans le dernier chapitre. Ce dernier se termine en beauté avec l'épilogue.