Et si Daphné s’extirpait de ses lauriers, que la Vénus désertait coquillages et crustacés, que les trois Grâces refusaient la disgrâce ? Ce sont autant de questions que s’est posée Zelba, que l’on retrouve ici pour son dernier album Le Grand Incident coédité par Futuropolis et le Louvre. Sous son pinceau, les silhouettes de Teresa, Nadir, Charles et Charline occupent l’espace de la page pour venir habiter le légendaire musée du Louvre, tout en dépoussiérant les mythes figés et les idées miteuses. Teresa, technicienne de surface dans le musée depuis près de trente ans, prend soin de celles qu’elle appelle « ses amies » : Psyché, Atalante, les Grâces, toutes les femmes des œuvres semblent se révéler sous son plumeau. Et pour cause, Teresa dispose d’un art tout particulier : celui de murmurer à l’oreille des œuvres. C’est ainsi que Teresa devient la confidente d’une colère trop longtemps retenue. Les femmes du musée, représentées nues dans des postures dégradantes, n’en peuvent plus. Les pelotages des ados que les statues ne laissent visiblement pas de marbre, les commentaires gras devant la représentation d’un viol, la soumission imposée par des artistes masculins, c’en est trop. L’heure est à la révolution, et elle sera féminine. On ne refuse de les écouter ? Qu’importe, elles refuseront de se laisser regarder. Pour se révolter, les modèles féminins s’émancipent de leurs carcans par l’invisibilité, rendant leur combat visible aux yeux de tous. Au travers de Teresa et Nadir, petites mains du musées qui vont s’avérer fondamentales pour sauver l’honneur du Louvre et celui de ses femmes, Zelba dresse un regard critique sur la réception en histoire de l’art, proposant non pas une annulation du passé, mais une réévaluation de ses critères, afin de percevoir sous une lumière plus moderne ce que pouvait proposer les Anciens.