David Stone (Sam Worthington), écrivain et journaliste raté, est assez mal en point. Il est divorcé, son ex attend en vain le versement de la pension alimentaire pour son fils. Stone est fauché. C'est alors qu'une solution lucrative s'offre à lui : le parrain de la mafia vieillissant Meyer Lansky (Harvey Keitel) le charge d'écrire sa biographie. Au cours de plusieurs rencontres, la plupart du temps dans un diner, les deux hommes se rapprochent. Dans le même temps, le FBI tire les ficelles en arrière-plan, espionnant David avec l'aide de Maureen, la beauté de la piscine, et le forçant ainsi à transmettre des informations sur Lansky. Les enquêteurs soupçonnent le vieux mobster d'avoir encore 300 millions de dollars cachés quelque part. Lansky raconte, à travers des rétrospectives épisodiques, la carrière douteuse de l'un des gangsters les plus célèbres des États-Unis. En commençant par son enfance et son amitié naissante avec Ben "Bugsy" Siegel (David Cade), en passant par son partenariat avec "Lucky" Luciano (Shane McRae), jusqu'à la fondation de la célèbre Murder Inc. Dans les années 1930, l'immigrant juif Lansky (joué par John Magaro dans ses jeunes années) s'engage également en tant qu'antifasciste et envoie ses troupes de voyous dans les rassemblements nazis aux États-Unis. Il veille également, avec Luciano, à ce que les espions allemands soient démasqués dans les ports américains. Il construit un empire de casinos, vit parfois à Cuba en partenariat étroit avec le régime Battista et s'efforce d'obtenir la nationalité israélienne. Celle-ci lui est refusée en raison de ses activités criminelles - bien qu'il ait soutenu le jeune Etat d'Israël avec des sommes d'argent importantes. Le film commence par un interrogatoire. "Monsieur Lansky, le crime organisé existe-t-il ?" demandent les enquêteurs du FBI au mobster. "Sur ce sujet, ils demandent au mauvais gars", répond-il sans détour. Et en effet : le futur chef de la mafia, né en 1902 à Grodno en Biélorussie et immigré aux États-Unis avec sa famille en 1911, n'a jamais pu être condamné par un tribunal, faute de preuves. Il était l'homme de l'ombre, le comptable de la mafia, un génie de la finance doté d'une mémoire phénoménale. Alors qu'Al Capone allait en prison pour fraude fiscale, Meyer Lansky gardait en tête toutes ses affaires et ses transactions, si bien qu'on ne pouvait jamais rien prouver contre lui.

Le film est donc en grande partie authentique. Les étapes importantes de la vie de Lansky sont décrites dans une sorte de parade à travers le 20e siècle. Des moments clés qui doivent éclairer la personnalité de Lansky. Des petits morceaux qui sont historiquement authentiques. Les meurtres brutaux ne sont qu'effleurés, le sang coule dans Lansky - Le parrain de Las Vegas, certes de temps en temps de manière drastique, comme le veut le genre, mais dans l'ensemble plutôt avec parcimonie. "Je suis un homme d'affaires", souligne Lansky à plusieurs reprises. "Pour moi, c'est du business, comme New York Steel". Et tandis que Lansky philosophe sur sa vie avec Stone dans le diner, on a parfois l'impression qu'il tire l'auteur vers le bas. Une impression qui se répercute sur le film. Rockaway veut-il aussi nous arnaquer, nous spectateurs ? Car, même s'il ne cache pas les côtés brutaux du gangster, l'impression qui prédomine est celle de Meyer Lansky, un vieil homme gentil qui s'inquiète pour son fils handicapé et qui n'est en fait devenu un mobster criminel que par les circonstances du moment. Un jeune juif rempli de colère à cause de la discrimination antisémite, qui canalisait cette colère dans le jeu. Et dont l'objectif était de contrôler ce jeu - et donc sa vie. Qui a finalement été trahi par son propre peuple, qui lui devait beaucoup. "Je suis le seul Juif à qui l'on refuse le droit à la citoyenneté israélienne", se plaint-il. Rockaway le montre comme un escroc honnête qui, ce qui est sans doute vrai, n'a jamais manipulé ses machines à sous, contrairement à ses "collègues". Il dit lui-même de lui dans Lansky : "Un gangster ? Je suis un ange avec un visage sale". Mais l'homme d'affaires Meyer Lansky n'avait pas seulement construit le plus grand empire de casinos de jeux, qui rapporte encore aujourd'hui aux Etats-Unis des milliards de bénéfices fiscaux annuels, il avait également les mains dans la prostitution et le trafic de drogue, comme tous les autres parrains de la mafia. Cette ambivalence n'apparaît qu'occasionnellement, lorsque le formidable Harvey Keitel ne fait qu'effleurer les coins de sa bouche et que, derrière son sourire amical, transparaît l'absence brutale de scrupules du criminel.  C'est de toute façon grâce à cette interprétation exceptionnelle de l'ancienne star que Lansky - Le parrain de Las Vegas s'élève un peu au-dessus de la moyenne. Il est à peine reconnaissable dans son rôle, ce qui n'est sans doute dû qu'en partie à la qualité de son maquillage. Keitel se glisse dans le personnage de Meyer Lansky et se l'approprie. Il remplit ce personnage complexe jusque dans ses moindres gestes. C'est de la haute école d'art dramatique. Mais cette incursion dans le domaine des personnages avec une moustache magnum convient également très bien à Sam Worthington.  Du point de vue de la mise en scène, le film n'offre pas grand-chose de sensationnel. Rockaway parvient tout de même à éviter l'ennui grâce à un enchevêtrement habile et varié des différents niveaux de narration. Les lieux et le design des décors sont en partie de la plus haute qualité, ce qui rehausse nettement l'aspect visuel du film.