Les tableaux d'Alessio Lo Manto, sur des textes de Sara Dellabella, racontent, dans le cadre d'un projet en collaboration avec la Fondation Musée de la Shoah, un épisode méconnu de l'histoire de la persécution nazie : l'histoire du transatlantique Saint-Louis, qui quitta le port de Hambourg, à destination de Cuba, le 13 mai 1939. La grande majorité des passagers étaient des Juifs fuyant l'Allemagne ; 937 personnes tentèrent d'atteindre Cuba, mais se heurtèrent à des refus et des refoulements répétés. Les histoires des passagers individuels montrent des résultats différents. Néanmoins, tous ont dû vivre l’amère transformation d’un itinéraire censé être salvateur en une série de vicissitudes douloureuses. Le réalisateur Stuart Rosenberg, qui a réalisé un film sur cette histoire en 1976, l'a intitulé Voyage of the Damned. Des centaines de vies ont été à la merci non seulement de la barbarie nazie, qu’elles ont fui, mais aussi du refus obtus et égoïste de les accueillir, exprimé par plusieurs États. Le capitaine Gustav Schröder a cependant fait preuve d'un courage concret en s'opposant au retour immédiat du navire en Allemagne, en assumant ses responsabilités et en œuvrant pour garantir abri et protection aux réfugiés.

Après le refus de Cuba, des États-Unis et du Canada - qui, le 7 novembre 2018, s'est excusé, à travers les paroles du Premier ministre Justin Trudeau, de ne pas avoir accordé l'asile aux passagers du St. Louis -, le capitaine Schröder a promu les négociations, lui qui détestait Hitler et ce qu'il avait fait à son pays et à l'Europe entière, ce qui a conduit le Royaume-Uni, la France, la Belgique et les Pays-Bas à accueillir respectivement 288, 224, 214 et 181 passagers Mais l’Allemagne nazie se prépare à envahir l’Europe et l’épilogue sera également dévastateur pour nombre de ces personnes. Les dessins d'Alessio Lo Manto mettent en valeur, avec la ligne décisive et l'alternance de tons clairs et sombres, le balancement des émotions, entre espoir et découragement, des passagers en route vers l'émigration. Les textes de Sara Dellabella se distinguent par leur efficacité et par leur composition variée et ponctuelle qui comprend des extraits de films d'actualités, diffusés à cette époque dramatique, avec des dialogues et des missives, ces dernières sous forme de lettres, télégrammes, ordonnances : c'est l'histoire d'hier. cela rappelle au lecteur les erreurs et les horreurs d’aujourd’hui.