Réalisé par Denis Villeneuve.
L'avenir en 10191 : les voyages interstellaires ne sont possibles qu'au moyen d'une drogue, l'épice, ce qui fait de cette matière première la plus précieuse de tout l'univers. Le seul endroit où l'on trouve de l'épice est la planète désertique Arrakis, également appelée "Dune". Celui qui règne sur Arrakis domine l'univers. Pendant huit décennies, la maison Harkonnen, dirigée par le baron Vladimir Harkonnen (Stellan Skarsgård), a exploité la planète. Aujourd'hui, l'empereur padischah confie le fief d'Arrakis au duc Leto (Oscar Isaac) de la maison Atréides. Avec sa concubine Lady Jessica (Rebecca Ferguson), une voyante de l'Ordre du Bene Gesserit, et leur fils Paul (Timothée Chalamet), Leto Atréides quitte sa planète natale, la planète aquatique Caladan, pour se rendre sur la planète désertique. Les conseillers et proches de Leto, Thufir Hawat (Stephen McKinley Henderson), Gurney Halleck (Josh Brolin) et Duncan Idaho (Jason Momoa) ne le quittent pas d'une semelle. Mais la maison Atréides a fait ses comptes sans les Harkonnens, dont le bras s'étend encore loin sur Arrakis. Pour écarter la menace, les nouveaux arrivants ont besoin de l'aide du peuple du désert, les Fremens, qui voient en Paul le sauveur prophétisé depuis longtemps. Au milieu du désert, non seulement l'eau risque de manquer, mais des vers des sables pouvant mesurer jusqu'à 400 mètres de long sont également à l'affût.
"Dune" est le Saint Graal de la science-fiction. Publié en 1965, le roman de Frank Herbert, qui s'est développé en un cycle de six volumes jusqu'à la mort de Herbert en 1985, a longtemps été considéré comme impossible à filmer. Comme à son habitude, Dennis Villeneuv s'est attelé à ce mégaprojet avec une extrême minutie. Avant de se tourner vers la science-fiction, Villeneuve avait déjà prouvé que le public du cinéma devait faire attention à ce réalisateur. Des films comme "Polytechnique" (2009), "Incendies" (2010), "Prisoners" (2013), "Enemy" (2013) et "Sicario" (2015) étaient tous non seulement extraordinairement passionnants, mais portaient également une signature propre que le réalisateur a conservée jusqu'à aujourd'hui et affinée de film en film. Avec "Arrival" (2016), le visionnaire du cinéma né en 1967 a montré que la science-fiction pouvait être plus qu'un simple spectacle et avec "Blade Runner 2049" (2017), la suite du "Blade Runner" de Scott (1982), qu'il ne craignait pas la comparaison avec ses modèles - plus encore : que ses visions du futur pouvaient rivaliser avec les plus grands de l'histoire du cinéma. Une adaptation de "Dune" de Frank Herbert semble donc logique. Avec ses deux coauteurs Jon Spaihts ("Prometheus - Signes obscurs", "Passengers") et Eric Roth (Oscar pour le scénario de "Forrest Gump"), Villeneuve prouve à quel point une exposition débordante peut être passionnante. La transmission d'informations se fait de manière tout à fait organique, par le biais de scènes qui s'inscrivent dans le déroulement d'une journée et qui, de cette manière, révèlent quelque chose sur le monde présenté et sur la relation entre les personnages, tout en faisant avancer l'action à tout moment. De nombreuses minutes de film s'écoulent avant que l'action ne fasse son entrée dans cette adaptation, mais elles passent comme un éclair (comme tout le film d'ailleurs). Et jusque-là, Villeneuve nous offre des scènes spectaculaires. Le réalisateur assomme littéralement son public avec de la grandeur pure. Les paysages semblent infinis, les bâtiments, les vaisseaux spatiaux et les machines sont gigantesques. La musique d'Hans Zimmer, qui s'y ajoute en vrombissant et en cliquetant, fait trembler de l'intérieur. L'étonnement incrédule à la vue de ces images imposantes vient aussi du fait que chez Villeneuve, tout semble réel et rien n'est généré par ordinateur - ni les décors, ni les combats finement chorégraphiés ; c'est donc très différent et bien plus convaincant que dans tant d'adaptations de bandes dessinées, auxquelles le film de Villeneuve est aussi une véritable alternative en termes de contenu pour un public adulte.
Parfaitement réalisé sur le plan technique, "Dune" de Villeneuve est d'une froideur aseptisée. La chaleur vient des personnages, qui interagissent avec amour. Les relations du jeune Paul Atréides - interprété par Timothée Chalamet avec un regard mélancolique inimitable - avec ses parents et avec son maître d'apprentissage et ami paternel Duncan Idaho apportent à ce film une intimité que ses images n'ont pas. Ces images impressionnantes sont à la fois une force et une faiblesse. Car aussi impressionnantes qu'elles paraissent, elles semblent interchangeables. Dans "Dune", l'écriture de Denis Villeneuve, que l'on avait pu voir auparavant, s'efface comme jamais derrière un style omniprésent dans le cinéma de science-fiction contemporain, caractérisé par un minimalisme conçu dans les moindres détails. Comme à son habitude, Villeneuve mise dans "Dune" sur des architectures brutales, des espaces aménagés de manière spartiate et dépourvus de tout ornement, et sur une palette de couleurs extrêmement réduite. Mais visuellement, le résultat pourrait tout aussi bien provenir des derniers films de Ridley Scott, Christopher Nolan ou James Gray. Oui, même des séries télévisées produites à grands frais comme "Westworld", "Raised by Wolves" ou l'adaptation d'Asimov "Foundation", ne se distinguent visuellement que de manière imperceptible. Aussi lamentable qu'ait été l'échec de "Dune" de David Lynch, il faut lui reconnaître, avec le recul, le courage d'un décor opulent et baroque et d'un pluralisme stylistique épatant. La profondeur du contenu de l'original passe également à la trappe lors du passage du livre au film. Si les membres de la maison Atréides sont encore dépeints de manière plastique, les Harkonnens, bien plus complexes dans l'original, sont transformés en méchants unidimensionnels. Dans le contexte du cinéma de genre, ces adversaires détestables ne manquent cependant pas d'impact. On aurait toutefois aimé un peu plus de profondeur que quelques allusions à la politique coloniale passée et à la situation politique mondiale actuelle. Villeneuve nous avait habitués à mieux jusqu'à présent. Mais toutes les conditions sont déjà réunies pour que la deuxième partie fasse (encore) plus de l'entrelacs complexe politique, social, économique, écologique et religieux de la première partie. Un début imposant, fidèle à l'original, qui laisse espérer une suite éclatante.
VERDICT
-
L'adaptation par Denis Villeneuve du roman culte de Frank Herbert est un film brillant dans tous les domaines, qui devrait recevoir la bénédiction de nombreux fans de l'original. Des images à couper le souffle et une action adulte font de "Dune" une véritable alternative pour tous ceux qui ne supportent pas les bêtises enfantines des adaptations de bandes dessinées. Il faudra toutefois attendre la suite pour savoir si cette nouvelle adaptation possède la profondeur à laquelle Villeneuve nous a habitués. Un début imposant qui laisse espérer de grandes choses.