Le Secret des Ecailles Bleues (Aoi Uroko to Suna no Machi) est une série en deux tomes publiée au Japon aux éditions Shueisha. La vie de Tokiko prend soudainement un virage à 180 degrés. Sa situation familiale fait qu'elle et son père déménagent à Sunanomori, la petite ville côtière où sa mère est née. Là-bas, la jeune fille est obligée de repartir à zéro : une nouvelle école, de nouveaux camarades de classe, un nouveau rythme dans sa routine. Sunanomori n'a pas grand-chose à voir avec le chaos de Tokyo et Tokiko doit s'habituer à ce qui sera désormais sa réalité. Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'elle visite la petite ville... Sa mère l'y a emmenée lorsqu'elle avait quatre ans et il lui est arrivé quelque chose d'incroyable. Alors qu'elle jouait sur la plage, elle a failli se noyer, mais quelqu'un est apparu pour la sauver : une sirène. Aujourd'hui, bien que Tokiko ne soit plus la même, elle cherche toujours la créature qui l'a sauvée pour la remercier. Pourra-t-elle la trouver ?

Le Secret des Ecailles Bleues nous emmène, avec le protagoniste, à Sunanomori. Nous traversons le village main dans la main avec elle, nous perçons ses mystères avec Tokiko et ses amis et nous nous immergeons dans une mer où l'on trouve encore des sirènes. Yôko Komori nous raconte une histoire lente mais non moins captivante : nous voyons comment, petit à petit, Tokiko s'adapte à sa nouvelle maison tout en nous offrant des indices sur le mystère entourant Sunanomori et la protagoniste elle-même. Dès le début, nous savons que la situation familiale de Tokiko est compliquée. Un déménagement soudain, l'absence de sa mère, un père qui ne sait pas trop quelle voie suivre... Et elle se retrouve au milieu de ce maelström. Elle a des problèmes, et le temps lui montre que, pour avancer, il faut les affronter, même si cela fait mal. Mais elle n'est pas la seule à avoir perdu quelque chose : cela arrive aussi à Narumi, une de ses camarades de classe. Tokiko a été obligée de laisser derrière elle la vie qu'elle connaissait avec ses parents ; Narumi a dû dire adieu à son frère.  Dans le monde de ces deux personnes, il y a des absences qu'elles portent avec elles. Tout au long de l'histoire, Tokiko et Narumi sont impliquées dans différentes situations qui leur permettent de faire face à leurs blessures. Le village de Sunanomori détient un secret lié au festival qui s'y déroule chaque année et à un mystérieux tunnel que les enfants ne peuvent traverser sans danger.

Yôko Komori entrelace les démarches que les personnages principaux et leurs amis entreprennent pour découvrir ce qui se passe à Sunanomori avec leurs circonstances personnelles et parvient à façonner une belle histoire pleine d'espoir dans laquelle la douleur est surmontée, dans laquelle savoir n'est pas synonyme de souffrance, mais de soulagement. Les destins de Tokiko et Narumi convergent pour qu'elles puissent aller de l'avant avec leurs cicatrices. Le manga attire aussi l'attention à cause du dessin. Le style de Yôko Komori, simple et très particulier, séduit dès le premier regard. L'auteure sait bien ce qu'elle veut raconter et comment le faire : son trait est parfait pour une histoire comme celle de Tokiko, sensible et avec une touche de fantaisie. En fait, ce qui est surtout notable c'est la façon dont Komori donne forme aux rêves et aux peurs de ses personnages, ainsi qu'à leurs souvenirs. Leur sentiment d'étrangeté face à une situation qu'ils ne comprennent pas, les créatures fantastiques que leur tête imagine pendant leur sommeil... Et les sirènes. Avec ses traits délicats, Yôko Komori parvient à combiner la tranquillité de la vie quotidienne avec la magie, à entremêler la réalité et les rêves. Elle parvient également à atteindre l'objectif qu'elle s'est fixé dans le manga : faire ressentir au lecteur la brise, l'odeur et le bruit de la mer.