Garth Ennis et Goran Sudzuka sont tous deux familiers des matières qui complètent très volontiers le genre de l'histoire policière pure et dure par des éléments fantastiques pour en faire un véritable thriller horrifique, un voyage dans les abîmes de l'imagination humaine. C'est également le cas dans la série en deux parties "A Walk Through Hell", dont le premier volume "L'entrepôt" vient de paraître. Ils sont une équipe du FBI pour les petites et simples affaires qui n'apportent ni prestige ni renommée et encore moins de suspense, mais la routine quotidienne convient au moins à l'un d'entre eux. Sarah, la quarantaine, se sent en effet assez proche du burn-out et lutte encore contre les séquelles de sa dernière grande affaire. Son partenaire plus jeune, McGregor, est encore un vrai nouveau venu, idéaliste et curieux, prêt à affronter tout le monde. Mais aucun des deux ne s'attend à ce que l'enquête sur un entrepôt abandonné se transforme bientôt en un voyage d'un genre particulier. Ici aussi, nous retrouvons un mélange très apprécié dans les thrillers d'horreur modernes, puisque les réalisateurs poussent des personnes qui devraient avoir les pieds sur terre parce qu'elles ont appris à ne pas croire en ce qui n'est pas scientifiquement démontrable, dans un cauchemar qui a de l'allure et qui fait de plus en plus disparaître les frontières entre la réalité et le rêve.

Ce qui est encore plus déroutant, c'est que les artistes semblent travailler avec des flashbacks qui donnent aux héros un peu plus de relief et de couleur. On s'attache particulièrement à Sarah, qui non seulement doit lutter contre son traumatisme personnel et se retrouve seule parce qu'elle ne veut pas admettre qu'elle est faible, mais qui est également confrontée au sexisme quotidien. Son collègue McGregor reste malheureusement beaucoup plus pâle. Toujours est-il que les artistes ne tardent pas à capter l'attention du lecteur, de sorte que celui-ci ne tarde pas à se demander lui-même ce qui est vrai et ce qui est faux ; les héros s'imaginent-ils seulement qu'un homme se tue sans cesse sous leurs yeux ? Et pourquoi finissent-ils eux aussi par ne plus avoir de pouls ? Plus ils cherchent des réponses, plus ils s'empêtrent dans cette toile déroutante, qui n'est pas résolue à la fin du tome, afin de maintenir le suspense dans la suite. Beaucoup de choses peuvent paraître familières au lecteur, les clichés ne sont pas épargnés, mais la passion des narrateurs et les petits mais subtils rebondissements font que l'histoire reste malgré tout divertissante et que l'on a envie de savoir comment le dilemme des deux agents du FBI se résoudra à la fin.